🍿Cinéma : Itinéraire d'un enfant placé, un documentaire de Ketty Rios Palma
Au moment où Yanie bascule dans l'adolescence, il doit faire face à un arrachement. La famille d'accueil qui l'a élevé, choyé depuis toujours prend sa retraite. Les services sociaux estiment que sa mère, Virginie, en réinsertion après une peine de prison, n’est pas encore apte à le récupérer. Yanie va donc débarquer dans une nouvelle famille, avec des étrangers. A 14 ans, il repart de zéro avec le risque de se retrouver en foyer. C'est une épreuve ajoutée à toutes les autres, une chance aussi peut-être de rompre avec les vieux modèles qui encombrent sa vie.
Après Les Enfants de Vercheny, nous continuons sur la lignée des documentaires avec Itinéraire d’un enfant placé. Ce documentaire m’a beaucoup plu, et je ne suis pas la seule à avoir été convaincue ! Le film a reçu le prix du jury au festival des créations télévisuelles de Luchon, ainsi qu’une étoile de la SCAM, Société civile des auteurs multimédia.

Dans un interview pour le Blog documentaire, la réalisatrice Ketty Rios Palma explique que son envie de réaliser ce film vient de la volonté de raconter l’histoire de son père, un enfant de la DDASS (Direction départementale des Affaires sanitaires et sociales). Le film se concentre surtout sur Yanie, un jeune garçon attachant dont on suit l’histoire durant 90 minutes. La réalisatrice insiste sur ce point : « La seule parole qui comptait pour nous, c’était celle de Yanie » (Blog documentaire). Pour cela, le documentaire met en place plusieurs voix : à côté des scènes principales, Yanie se raconte. En effet, dans des petites vidéos faites avec sa propre caméra et à travers la lecture de son journal de bord, Yanis nous raconte son point de vue sur le déroulé des évènements et ses sentiments. C’est cette perspective qui peut manquer dans les documentaires sur l’Aide Sociale à l’Enfance, avec des enfants présentés parfois comme passifs face aux évènements. Et l’importance de ce point de vue prend tout son sens ici : Yanis se fait transporter d’une famille à une autre, doit aller voir sa mère deux week-ends par mois, et quand on lui demande son avis dans les rencontres avec assistants sociaux, il dit qu’il ne sait pas. Ces petites séquences de journal intime, avec des confessions mais aussi quelques textes de slam, permettent d’avoir un aperçu de ce que peut ressentir un enfant dans cette situation.
Justement, ces évènements sont un véritable bouleversement pour Yanis. Au moment de la séparation avec sa première famille d’accueil, Myriam et Jacques, avec qui il est resté de ses 14 mois à ses 14 ans, il dit : « C’est comme mourir pour la première fois, mais pas en vrai ». Sa mère veut alors recréer un lien avec son fils, et pour cela elle souhaite une totale séparation avec la famille d’accueil qui a élevé Yanis. Cette situation nous met face aux difficiles décisions que doit prendre l’ASE. On ne peut pas refuser à une mère de vouloir reconstruire le lien avec son fils, mais on ne peut pas demander à un jeune garçon d’oublier la famille qui l’a fait grandir. La caméra reste objective et montre les familles d’accueil, les éducateurs, les assistantes sociales qui essayent d’aider avec difficulté.
Ce documentaire touchant permet d’avoir une vision plus intime d’un parcours d’enfant placé dans l’Aide Sociale à l’Enfance. Il donne l’occasion de comprendre les « craquages » : Yanis qui boit de l’alcool, fume de la drogue, ne supportant pas la séparation avec Myriam et Jacques. Cependant, il donne aussi à voir la résilience d’un enfant qui ne trouve pas sa place, comme il l’exprime dans les derniers mots du film : « Je suis le gamin de personne. Un gamin orphelin, mais un gamin fils de soi-même et fier de l’être. »
Bande annonce :
Anne Bresse