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Témoignage d'éduc' : "On est là pour vous"

[Interview réalisée en été 2021, soit avant la loi de février 2022 tendant à améliorer la protection de l'enfance]


Éducatrice et responsable du pôle social au sein de l’Association Départementale d'Entraide des Personnes Accueillies en Protection de l'Enfance (ADEPAPE) du Var, Nelly s’est servie de son parcours pour devenir la personne qu’elle est aujourd’hui : une femme accomplie qui a à cœur l’aide et l’accompagnement des jeunes accueillis.


Née dans le secret dans le département du Var, Nelly n’a guère connu ses parents. À l’âge de deux ans, sa mère décéda et, abandonnée par son père, elle fut confiée à un tiers digne de confiance dans le département des Bouches du Rhône pendant un an. Toutefois, la personne qui devait veiller sur elle était trop jeune pour pouvoir s’occuper d’elle plus longtemps. Après avoir été dans une pouponnière, une famille d’accueil la recueillit. Elle y resta six ans, au bout desquels elle a été adoptée. En fin de compte, c’est dans le Var, auprès de son conjoint, qu’elle vit aujourd'hui.


Du côté professionnel, Nelly s’est cherchée avant de se trouver. Originairement, elle souhaitait aller dans l’esthétique et montrer à sa conseillère d’orientation qu’elle allait y arriver. C’est ce qu’elle fut, elle obtint le C.A.P. d’esthétique en arrivant deuxième de sa promotion. Même si elle ne trouva pas de travail dans cette branche, elle n’abandonna pas et décida de travailler auprès d’enfants dans une crèche. Après quelques années, elle devint bénévole à l’ADEPAPE et postula avec une amie pour y être secrétaire et animatrice sociale. Désormais, elle est responsable du pôle social et éducatrice au sein de cette même association. Tout comme Malory Charles, le parcours de vie de Nelly a eu une influence sur son choix de vie ; choix de vie qu’elle chérit et souhaite dorénavant partager.



L’ADEPAPE, une association méconnue

La France compte aujourd’hui 76 ADEPAPE avec la mission commune d’accompagner des jeunes, comme des moins jeunes, venant de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE).


Créée en 1949, l’ADEPAPE du Var est désormais autonome depuis 1992. Autonome signifie simplement qu’elle est gérée par des personnes ayant aussi eu un parcours au sein de la protection de l’enfance, ce qui rend la prise en charge et l’accompagnement plus aisés. En effet, le parcours est commun aux jeunes accueillis, l’histoire certes différente, mais cela facilite les rapports entre les accompagnants et accompagnés. Les missions sont diverses, mais comme le signale Nelly, importantes et encore trop peu connues. C’est le premier point qu’elle souhaite aborder.


Grâce à la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant, l’association accompagne les jeunes dès leur seize ans. Sa mission principale est de représenter tous les mineurs confiés à l’ASE, que ce soit dès leur naissance si l’enfant est né dans le secret et qu’un projet d’adoption est validé, ou bien plus tard. « Il n’y a pas d’âge limite, puisque dans notre département, l’adhérent le plus âgé a plus de 90 ans » précise Nelly. Cette diversité est une force, créatrice de liens puissants. Néanmoins, en plus de la représentation, l’ADEPAPE est aussi présente pour accompagner les jeunes et les soutenir dès qu’ils quittent leur famille d’accueil et les Maisons d’enfants à caractère social (MECS). Car oui, Nelly se bat aussi contre ça : faire que l’association et ses missions soient plus connues.


Trop de fois elle entend des professionnels, ou alors des jeunes, lui dire qu’il n’y avait soit pas assez de communication autour de l’ADEPAPE ou alors qu’ils ignoraient son existence. « C’est un problème récurrent contre lequel nous nous battons » ajoute-t-elle. Ainsi, c’est pour cette raison qu’a été créé dans le département du Var, un regroupement des services de l’ASE, des MECS, des familles d’accueil et de l’association afin de rendre cette dernière plus visible. Dans le cadre du Plan Pauvreté, un contrat entre le Var et l’ADEPAPE du Var a été signé. Sa mission ? Rencontrer les familles d’accueil de telle manière à lui donner de la visibilité. Tandis que le département s’occupe de la logistique, l’association se consacre aux réunions. Montrer aux jeunes que cette structure existe est un enjeu central, car elle est aussi là pour les soutenir dans leur projet professionnel en mettant à leur disposition un carnet d’adresse. « Ce carnet d’adresse est très utile pour les jeunes. Par exemple, lors des divers confinements, c’était une période compliquée pour qu’ils puissent trouver des stages. Alors, nous avons fait jouer nos réseaux ». Parce que oui, l’ADEPAPE est là pour les jeunes à chaque étape de leur vie.


« Dans votre département, il y a des ADEPAPE, on existe, on est là. » Et cette association, bien que méconnue, est un bon moyen pour créer des liens entre les jeunes et les membres. Ces liens vont permettre d’éviter une rupture, une solitude qui faciliterait l’échec. En effet, une fois jetés dans le grand bain, les jeunes se retrouvent seuls et souvent désarmés. Or, à l’ADEPAPE, les éducateurs et adhérents sont des partenaires, ils ne sont pas là pour les juger sur leur parcours ou s’ériger contre le système de la protection de l’enfance. Souvent, franchir le premier pas est délicat, cela fait peur ; ça peut être déstabilisant. Mais venir poser une simple question, comme un accompagnement pour faire des papiers ou prendre un rendez-vous en préfecture, peut s’avérer positif. Cette simple demande se transformera en un rendez-vous régulier où discussion et sourires seront échangés. Ensuite, ce lien amical deviendra un lien familial. Et ça c’est la force de l’association. Il ne faut pas hésiter à se tourner vers elle, bien que ce soit dur. Il ne faut pas rester seul. Nelly conclue en exposant le message suivant : « seul on ne peut pas y arriver, mais à plusieurs on est plus forts et on va plus loin ».


Pour rien au monde elle ne regrette son métier d’éducatrice au sein de l’ADEPAPE. Pour des raisons de simplicité et de souplesse, elle ne voudrait pas l’exercer au sein de structure départementale et encadrée. Quelles en sont les différences ? Quelles ont été ses expériences ? Quelle est sa vision du métier ? Toutes ces questions auront une réponse dans un article prévu à cet effet. D’ici là, elle nous répond à la question suivante : « si tu avais une baguette magique, que changerais-tu au sein de la protection de l’enfance ? »



Et si ?

Et si. Et si la protection de l’enfance pouvait changer en mieux, comment cela serait-ce ? Nelly est pragmatique. Nous ne vivons pas dans un monde de bisounours et les baguettes magiques n’existent pas. En revanche, des améliorations sont indispensables. En effet, il est nécessaire de demander aux politiques de donner plus de moyens aux départements pour qu’ils puissent mener les missions jusqu’au bout. Trop de disparités existent entre ces derniers. De plus, la fin de la prise en charge est inégale : vingt-et-un ans dans le Var, dix-huit ans dans d’autres. Il faudrait donc une prise en charge plus longue et uniforme ainsi qu’une politique d’accompagnement plus complète. Pouvoir retrouver les jeunes plus souvent (qu’une fois par an) et sécuriser leur parcours au niveau national jusqu’à leur vingt-et-un ans par exemple. Il s’agirait dans ce dernier cas de donner des moyens de réussite, et non des obligations de réussite. Comme chaque être humain, les enfants venant de la protection de l’enfance ont aussi droit à l’erreur. Ils peuvent, comme chaque individu, se tromper d’orientation. Être obligés d’aller en C.A.P. plutôt qu’en licence n’est pas l’aspect le plus malin car, certes cette voie est plus rentable, mais en réalité ce n’était pas ce qu’ils souhaitaient faire. Finalement, ces quelques pistes ne viennent pas seulement des travailleurs de la protection de l’enfance, mais aussi des jeunes eux-mêmes.


Et si. Et si Nelly souhaitait faire passer un message aux jeunes qui sortent de l’ASE concernant la réussite de leur parcours, il serait le suivant : « tout est possible, tout est permis. Ne te mets pas de bribes ». Certes, cela sera plus compliqué à cause du poids de la prise en charge et d’un temps d’adaptation plus long comparé aux autres enfants, mais les rêves arriveront. Il faut s’accrocher à ses objectifs même si le chemin sera plus ardu. « Autorisez-vous à faire les choix que vous avez envie ». Tout simplement.


Et n’oubliez pas, l’ADEPAPE sera toujours présente.


Chloé Perrier


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