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🍿Cinéma : Enfants de Vercheny, un documentaire de Caroline Darroquy

Ils s'appellent Chloé, Enzo, Kenza et Samuel, ils ont 14, 12 et 2 ans. Ils font partie des 177 000 enfants qui, en France, grandissent éloignés de leurs parents, la plupart du temps sur décision d'un juge. Ils s'appellent Agnès, Richard, Anne et Rachel, ils ont 57, 62 et 26 ans. Ils sont éducateurs et ont fait le choix de vivre avec les enfants placés dont ils s'occupent. Leurs destins se croisent à Vercheny, le village où se trouve le centre d'accueil. Onze maisons y accueillent 65 mineurs. À contre-courant du "risque" d'attachement mis en avant dans les politiques de l'Aide Sociale à l'Enfance, ici se vit un quotidien familial et chaleureux.


Pour le film de ce mois-ci, nous nous intéressons, pour la première fois dans cette rubrique, à un documentaire. Ce format est très fréquent dans la représentation de la Protection de l’Enfance dans l’audiovisuel. Les documentaires sont souvent cassants, montrant le « côté sombre » de l’Aide à l’Enfance, à l’image des documentaires « chocs » filmés par M6, que vous avez peut-être vus passés ces dernières années. Bien que ces représentations aient un intérêt et mettent la lumière sur les défauts et dérives d’un système complexe, celui dont nous allons parler aujourd’hui se veut rempli d’espoir et de nouvelles perspectives pour la situation des enfants confiés.



Vercheny est une petite commune française dans la Drôme. Cependant, cet espace représente un lieu tout particulier dans le monde de la Protection de l’Enfance en France. Pour mieux comprendre, il faut connaître Robert Ardouvin. Ce dernier est né à Clermont-Ferrand en 1928. À tout juste 18 ans, le jeune homme crée l’association « Les Amis des enfants de Paris » en juillet 1946. En 1948, il ouvre un foyer pour jeunes adolescents à Montreuil. Par la suite, il mène un projet d’installation dans le Vercors à Vercheny. Là-bas, sont reconstruites et retapées les maisons du village pour accueillir les jeunes dits « en danger moral ». Au fil des années, s’installent des maître(sse)s de maisons, qui prennent tous en charge plusieurs enfants confiés et les installations s’étendent. En 1997, Robert Ardouvin décède mais laisse derrière lui la Fondation Ardouvin et le « village d’enfants » de Vercheny.


C’est dans cet endroit très particulier que le documentaire se déroule. Les portraits de différents acteurs du lieu sont présentés : on entend les maîtres de maison, avec des profils très différents. Certains viennent avec leur famille, conjoint et enfants, d’autres viennent seuls. Cependant, tous décrivent la sensation d’accomplir quelque chose d’important, et même si le lieu peut représenter un certain isolement pour ceux venus seuls, l’épanouissement dans leur mission est évident. Par exemple, une dame avait prévu de venir seulement un an en tant que maîtresse de maison, mais elle est toujours présente, 40 ans après, à Vercheny. Bien sûr, on nous présente aussi des portraits d’enfants confiés, certains récemment, d’autres depuis plus de dix ans. Chacun a sa perception de ce que représente Vercheny pour eux. La parole est aussi donnée à d’anciens enfants confiés. L’intérêt du documentaire repose aussi sur le fait que toutes les personnes dans cette organisation sont prises en compte, pour englober le lieu complètement. C’est pourquoi il est intéressant de voir l’interview des enfants biologiques des maîtres et maîtresses de maison. Ces jeunes qui ont partagé ce quotidien avec un regard différent, satisfaits ou non de cette situation. Enfin, même si je suis très enthousiasmée par ce documentaire, je dois vous laisser découvrir tout cela par vous-même.


Sur un lieu si unique, le documentaire questionne quelque chose de beaucoup plus grand et universel. En effet, cette situation particulière permet de remettre en cause l’approche aux « enfants placés » par les institutions gouvernementales. « Placer un enfant. Il y a des mots qui sont d’usage si courant qu’on en entend plus le son ni le ton. « Placer » signifie poser quelque chose quelque part. Quand un enfant est en danger donc, on le pose quelque part ? ». Ces quelques phrases au début du documentaire sont en réalité centrales dans le point de vue particulier de Vercheny. En effet, le domaine de la Protection de l’Enfance préconise une certaine distance avec les enfants confiés pour éviter d’empiéter sur le rôle de la famille. Le documentaire dépeint des scènes d’affection, de partage, de câlins. Vercheny porte fièrement cette notion d’attachement comme le point central de leur approche, à l’image de Kenza, 13 ans, enfant confiée, qui explique : « sans affection, on ne peut pas vivre ».


Anne Bresse




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