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Témoignage d'un futur éduc' spé : "on le fera"

C’est en appel Visio à 21h que j’ai pu recueillir le témoignage de Quentin, étudiant en 3ème année d’Éducateur Spécialisé par Voie Directe (ESVD), en échangeant avec lui d’une façon très ouverte et sans langue de bois. Fier de son choix professionnel et le sourire aux lèvres, le jeune homme m’a livré avec beaucoup d’enthousiasme son parcours de vie, son ressenti par rapport à sa jeune mais déjà riche expérience, sa vision du monde de la Protection de l’Enfance, et ses projets dans ce secteur d’activité. En répondant très clairement à mes questions, il m’a apporté un point de vue personnel et enrichissant sur une formation méconnue, celle d’éducateur spécialisé.


— Bonsoir Quentin. Peux-tu te présenter, nous parler de ton parcours scolaire et de ta future profession ?


— Bonsoir Frédéric. Je m’appelle Quentin, j’ai 19 ans et suis né en Alsace. En 2006, ma famille est venue s’installer à Saint-Dizier en Haute-Marne, où j’ai obtenu mon Baccalauréat ST2S (Sciences et Technologies de la Santé et du Social). J’ai ensuite rejoint l’IRTS (Institut Régional du Travail Social) de Nancy-Lorraine pour entamer une formation en alternance de trois années d’Educateur Spécialisé par Voie Directe. À l’issue de ces trois années, je détiendrai un diplôme d’Etat me permettant d’exercer le métier d’éducateur spécialisé. J’alterne cours et stages immersifs, pour me préparer à mon futur emploi.


— Très bien. En quoi consistera ton futur métier, justement ?


— Mon rôle sera d’accompagner et d’orienter des personnes aux profils hétérogènes et éclectiques, se trouvant dans le besoin et en difficulté mais surtout qui le souhaitent. On ne peut malheureusement pas aider les gens malgré eux.


— J’imagine que c’est une des difficultés de ce métier, effectivement. Quels sont les différents profils que tu pourrais rencontrer, et les structures dans lesquelles tu pourrais travailler ?


— Concernant la Protection de l’Enfance, je pourrais rencontrer des jeunes gens, de 5 à 20 ans. Le but de cette institution est de les accompagner dans leurs études et leurs formations pour leur faciliter l’insertion professionnelle, mais aussi de leur permettre un développement personnel et cognitif, pour leur insertion sociale. Au sein de la Protection de l'enfance, il existe différentes structures.


— Peux-tu nous en citer quelques-unes, en nous expliquant leurs particularités ?


— Bien sûr. Il existe la Prévention Spécialisée. Elle ne se traduit pas par un accompagnement individualisé, car ce dernier en est son aboutissement. Le but étant de répondre aux besoins, non seulement des enfants, mais également des familles qui nécessitent une aide à la parentalité. Il existe un lien indissociable entre structure familiale et enfant. Pour accomplir cette mission, on fait appel à des éducateurs de rue, qui disposent d’un local en ville et dont la spécialité est le terrain.


— Comment entrent-ils en contact avec leur public ?


— Lors de “tours de rue”. Ce sont des maraudes qui consistent à aller à la rencontre d'un personnel ciblé afin de créer un lien entre eux et la structure. Il y a également des “échos” sur des personnes en difficultés. Ce sont des signalements effectués bien souvent par l’OPH (Office Public de l’Habitat), et qui nous amènent à intervenir, mais toujours dans un processus de demande d’aide. Et pour finir, certaines personnes viennent d’elles-mêmes nous rencontrer, après nous avoir identifiés lors des activités de rue qui peuvent être organisées au sein des quartiers prioritaires de la politique de la ville, dits QPV.


— Très bien. D’autres structures ?


— Oui, il existe également la MECS (Maison d’Enfance à Caractère Social). Sa finalité est d’accueillir les enfants confiés par l’ASE (Aide Sociale à l’Enfance).


— Pourquoi des enfants sont-ils confiés, donc retirés de leur cellule familiale ?


— Cela se produit lorsqu’une situation de danger est avérée. Les enfants sont généralement placés en famille d’accueil, jusqu’à leur majorité, soit 18 ans. Les décisions de placements incombent au juge des enfants, qui décide des placements en famille ou en MECS.


— Un dernier exemple de structure ?


— Les Instituts médicoéducatifs. Ils sont plus dans le secteur du handicap que de la protection de l'enfance, mais ils méritent d’être connus. Leur public est jeune et en situation de handicap, généralement mental. Les enfants ont entre 7 et 16 ans. Dans ce cas précis, la mission de la structure est l’accompagnement du public vers l’autonomie, car ils sont victimes de troubles du comportement et de retard du développement. Comme tu le vois, les publics sont très variés d’une structure à l’autre.


— Oui, la palette de profils est riche, en effet.


— Chaque structure est différente et le travail varie selon les enfants, et il faut comprendre que chaque enfant a ses propres préoccupations.


— Et penses-tu que tu seras utile dans ce secteur précis ?


— Nous ne sommes pas des super-héros et ne pouvons pas aider tout le monde, mais s’il y a quelque chose que l’on peut faire, on le fera.


— Pourquoi avoir choisi cette voie, celle de la Protection de l’Enfance ?


— Je souhaite véhiculer les valeurs de cette institution. De plus, je veux m’investir pour que d’autres enfants ne vivent pas ce que j’ai personnellement vécu, que cela soit dans mon cadre familial ou lors de ma scolarité.


— Quels seraient selon toi les points positifs de ton futur métier ?


— Faire changer les choses. Par exemple j’ai revu des jeunes que j’ai connus lors de mes stages et qui m’ont dit appliquer mes conseils. Je les ai vus évoluer positivement et c’est extrêmement gratifiant. J’aime l’Humain, le relationnel, et je pense qu’on se sent utile en aidant les autres.


— Des points négatifs, peut-être ?


— Comme je le disais, on ne peut pas aider tout le monde. Il faut savoir qu’un SDF sur trois vient de l’ASE ! Cela tendrait à prouver que l’on fait tout ça pour rien. On se demande alors si on a tout fait pour aider telle ou telle personne. J’ai également revu un jeune qui était en prévention spécialisée. Il était placé en ITEP (Institut thérapeutique éducatif et pédagogique) et il avait évolué dans son comportement, mais il restait un élément perturbateur. On vit alors un sentiment d’échec et d’impuissance. Toutefois et au bout du compte, il faut savoir faire la part des choses. On fait ce que l’on peut.


— Quelle catégorie de public préfères-tu ? Je sais que lors de tes stages, tu as été confronté à toute sorte de personnes...


— Sans hésiter les MNA (Mineurs Non Accompagnés). Ils sont venus en France chercher de l’aide et sont généralement reconnaissant. C’est aussi gratifiant. Ils sont accueillis par une structure d’urgence qui les loge et les nourrit. Ils sont évalués par un service spécialisé qui établit leur parcours migratoire ainsi que leur mode de vie. Mon travail en tant qu’éducateur sera de les accompagner et de les aider à s’intégrer à notre mode de vie, à nos coutumes, notre culture et nos normes. Le but étant qu’ils s’intègrent en France. Concernant l’accès aux soins, nous les accompagnons à l’hôpital au service de la PASS (Permanence d’Accès aux Soins de Santé).


— Et concernant les enfants ?


— Les enfants quant à eux nous prennent souvent pour les “méchants” les ayant retirés de leur famille et nous pouvons être confrontés à leur violence. C’est plus compliqué à gérer, selon leur tempérament, leur vécu, etc.


— Qu’est-ce qui pourrait entraver ton travail, ou au contraire t’aider au quotidien ?


— J’appréhende de rater mon relationnel avec mes futurs collègues, ainsi qu’avec mon public. Il est très important d’avoir une équipe soudée et solidaire, et d’être soutenu par une Direction qui serait à l’écoute. Ensemble, on est plus fort.


— Si tu pouvais faire adopter une loi sur la Protection de l’enfance, quelle serait-elle ?


— Excellente question ! Je pense qu’il faudrait que le public concerné soit accompagné au-delà de la majorité, afin qu’il ne soit pas abandonné dans la nature. Il faut comprendre que du jour au lendemain, il n’y a plus aucun suivi !


— De ce que tu as pu entrevoir lors de ta formation, aurais-tu une remarque particulière concernant une amélioration plausible du secteur ?


— Selon moi, l’orientation des jeunes suivis devrait être faite selon leurs capacités, leurs talents et surtout leurs propres souhaits, et pas forcément sur des études courtes et professionnalisantes, comme les Bacs pros. Par exemple, je n’ai jamais constaté qu’un jeune était orienté vers les métiers artistiques par exemple.


— Pour conclure, quel serait ton projet professionnel et où souhaiterais-tu être affecté ?


— J’aimerais travailler avec les Mineurs Non Accompagnés, tout simplement parce que c’est un secteur qui embauche, et qui est malheureusement très peu connu des étudiants. Il manque cruellement de professionnels. J’aimerais être affecté en Meuse ou en Haute-Marne, ma région de cœur.


— Merci infiniment Quentin, pour ce témoignage empli de sincérité et riche en informations. Nous te souhaitons bon courage pour la suite de ton parcours qui sera très riche, à n’en pas douter.


— Merci Frédéric et merci Parlons d’eux de m’offrir cette tribune.


Frédéric Mémin

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